vendredi 13 mars 2009

Les trottoirs de Manille

En-dehors de sa reputation de plages de reve et de fonds sous-marins extraordinaires, nous avons choisi de voyager aux Philippines car nous avions des contacts avec plusieurs associations humanitaires. Un mois etait trop court pour s'engager dans un programme, nous avons donc fait le choix cette fois-ci, d'aller a la rencontre de plusieurs d'entre elles pour decouvrir leurs objectifs et realites sur le terrain.

La premiere que nous avons recontree est la fondation Virlanie. Creee en 1992 par Dominique Lemay, c'est aujourd'hui l'une des plus importantes institutions oeuvrant pour les enfants des rues a Manille.

C'est Dominique lui-meme qui nous a accueilli et presente l'association. D'origine ch'ti, cet homme de coeur travaille depuis 30 ans dans l'humanitaire et depuis plus de 20 ans a Manille.

La pauvrete dans cette ville est tres importante. Nous avons marche plusieurs heures dans Manille pour rejoindre la fondation et, sur la route, la chanson de Maxime Le Forestier, Etre ne quelque part, nous est revenue de nombreuses fois en tete, avec l'impression qu'une partie de Manille n'a pas change depuis.

Et pourtant, cela change depuis peu apparemment, car les bidonvilles du quartier de Makati se sont reduits a des sortes de 'poches' plus cachees et moins accessibles.

Que sont devenus les anciens bidonvilles ? Y a-t'il moins de pauvres ? La reponse nous a ete apportee par Dominique qui denonce les pratiques de la ville de Manille : les bidonvilles sont rases les uns apres les autres et remplaces par de nouvelles routes pour empecher toute reconstruction. Des routes inutiles apparemment mais qui financent la corruption.

Et pour mieux se debarrasser de cette pauvrete genante, chaque nuit, la police de Manille rafle des pauvres et les enferme au 'RAC' (Reception Action Center) pour ensuite leur retirer leur peu d'affaires et les deporter en bus a plusieurs centaines de kilometres de Manille dans l'espoir de ne plus jamais les revoir.

De nombreux enfants font partis de ces rafles, des enfants des rues abandonnes de leur famille ou qui l'ont fuie car une nouvelle bouche est arrivee et qu'il a fallu laisser sa place. Certains partent parce qu'ils ont ete battus ou abuses sexuellement. Ils vivent dans la rue parce qu'ils n'ont pas d'autre endroit ou aller et ils font ce qu'ils peuvent pour survivre : mendicite, vols, prostitution, drogue sont leur quotidien.

Dominique nous a emmene visiter le RAC qui jouxte une prison. Virlanie est la seule ONG a avoir un pied dans ce centre et fait le maximum pour humaniser le lieu et faire en sorte que les droits de l'homme y soient respectes. Chapeau, selon-nous. Grace aux volontaires de Virlanie, les enfants disposent d'activites en journee et peuvent circuler librement dans la cour, les pieces-dortoirs et les sanitaires. Ils sont de plus separes des adultes et des delinquants de la prison d'a cote. Ce qui semble un basique n'etait pas le cas quand Dominique a decouvert ce lieu ou les pauvres gens rafles etaient enfermes avec les prisonniers, enfants et adultes melanges. A 40 par cellule, on vous laisse deviner les drames que cette proximite pouvait engendrer.

Le travail de Virlanie dans ce lieu est ambigue. L'association travaille au coeur d'un centre qu'elle deprouve, les volontaires se sentent demunis ; les quelques activites qu'ils proposent leur semblent bien peu face aux problemes vecus par ces pauvres et aux deportations sur lesquelles ils n'ont aucun pouvoir. Mais, en plus des ameliorations importantes apportees a la gestion de ce centre, la presence de Virlanie est aussi un garde-fou empechant de possibles abus.

Certains enfants du RAC ont egalement la chance d'etre recueillis par Virlanie dans une maison d'accueil temporaire afin d'y etre re-equilibres et de retrouver des reperes et confiance en eux. Cette transition passee, l'association les integre selon leur profil (age - sexe - traumatismes passes - handicaps) dans l'une de leurs nombreuses maisons specialisees, tenues chacune par un 'Papa' et une 'Maman' et des travailleurs sociaux, tous philippins.
Nous en avons visite quelques-unes ; celle consacree aux mere-enfants et leur bebe, celle des jeunse filles abusees sexuellement et celle consacree aux handicapes mentaux.

Ce qui nous a beaucoup trouble durant ces visites, c'est de si peu ressentir les traumatismes et voir de nombreux visages souriants se tourner vers nous. Virlanie efface les cicatrices visibles, elle soigne, nourrit et eduque ces enfants. Mais les cicatrices internes, elles, ne se soignent pas toujours et il faut du temps pour les comprendre .
Les rues de Manille et ces rencontres nous touchent beaucoup. Nous mesurons de nouveau notre chance. Nous mesurons de nouveau egalement le courage et la bonte des personnes de coeur exceptionnelles.

Pour plus d'information sur Virlanie, voici le site de l'association et le blog de Dominique :
http://www.virlanie.org/ - http://www.virlaniekuyadom.blogspot.com/
"On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille,
On ne choisit pas les trottoirs de Manille, de Paris ou d'Alger pour apprendre a Marcher.
Etre ne quelque part, etre ne quelque part, pour celui qui est ne, c'est toujours un hasard."

1 commentaire: